Un dimanche comme un autre. Un dimanche où le candidat Président de l’Assemblée des députés de la France lance la prophétie auto-réalisatrice d’un FN certainement au second tour dans une émission people.
Un dimanche où le journal nous annonce que la partie des citoyens « sûrs » de voter FN devient supérieur au score de Jospin en 2002.
Ce n’était qu’une discussion de comptoir dans une émission. Ce n’était qu’un sondage. Ce n’était qu’un dimanche…

À moins de 70 jours d’une élection régionale. À moins de quelques jours du vote d’un budget de la nation marqué par la poursuite délibérée dans une orientation qui n’est pas celle pour laquelle des millions de Français s’étaient mobilisés.
Envers et contre tout.
Ce n’était même plus l’objet de discussion. « Ça passe ou ça casse » étant devenu le leitmotiv de quelques individualités sûres de leur fait.
Envers et contre tout.

 

Cesser de jouer contre notre histoire

Ce n’est pas nécessairement un signe de modernité que de renoncer à son histoire. Ce n’est pas nécessairement un signe d’archaïsme que de savoir d’où on vient.
Et pourtant quelques caciques du Parti Socialiste sont plus prompts à condamner celles et ceux qui n’acceptent plus les renoncements aux engagements ou aux valeurs historiques, qu’à se ranger du côté de syndicalistes qui défendent leurs conditions de travail.

Ces mêmes caciques qui ne disent mot quand un « ministre d’ouverture » se réjouit de ses sondages, pendant que nous nous enfonçons élections après élections. Des socialistes se présentent encore aux élections, ce qui n’a jamais été le cas de Macron. Et pourtant, ce sont ces socialistes qui paient dans les urnes les conséquences des choix politiques de ce garçon.

 

Cesser de jouer contre le reste de la Gauche

Personne à gauche n’aura jamais raison contre le peuple de gauche. Personne à gauche n’aura jamais raison contre celles et ceux qui l’ont menée au pouvoir. Personne à gauche n’aura raison contre le reste de la gauche.
La modernité, ce n’est pas que la gauche adopte les mots et les actes de la droite. La modernité c’est d’exercer le pouvoir différemment.
Quand bien même ce qui est fait produirait de résultats – ce qui n’est pas le cas-, quand bien même ce qui est fait entrainerait majoritairement le peuple – ce qui n’est pas le cas-, il serait suicidaire de le faire autrement que dans le dialogue avec toutes les forces de gauche.
La violence du mépris affiché ne se règle pas par une opération de communication qui scande l’unité. Il se retrouve toujours dans des urnes qui sont chaque jour un peu plus désertées.

« Nous ne devons pas renoncer au peuple de gauche sinon il renoncera à nous ».
J’ai souvenir de cette étude de Terra Nova qui théorisait, hélas, le changement de « cible électorale ».
Quand le marketing s’empare de la politique, c’est que le libéralisme s’est emparé du politique. C’est que la séduction l’a emporté sur la conviction.

Et pourtant nous le savons. Il n’y aura plus de victoire de la Gauche si nous n’écoutons pas. Le social-libéralisme ne l’emportera en France comme en Europe qu’au prix d’un renversement d’alliances. Qu’au prix d’une validation du modèle allemand de grande coalition. Et ce sera alors l’apogée de la parole de Marine Le Pen: l’UMPS se traduirait alors dans les faits.

L’indifférenciation des politiques produit invariablement la coalition des colères dans une offre politique qui rejette en bloc des politiques qui ne se distinguent que par le dosage des renoncements qu’elles portent.

 

La mise en accusation du peuple de gauche, des partis de gauche.

Il y a tellement plus d’irresponsabilité dans un pseudo-référendum qui accuse que dans une prise de parole qui refuse. Qui refuse un chemin qui divise la Gauche. Qui refuse un destin qui condamne la Gauche. L’accusation c’est celle qui dit: « si vous ne faites pas comme on vous dit, vous porterez la responsabilité ». Vouloir exercer le pouvoir sans en accepter les responsabilités est une catastrophe. Si nous sommes si sûrs de la qualité de ce que nous faisons, qu’avons-nous à craindre de la démocratie ?

Mais il n’y a pas moins d’irresponsabilité chez ceux qui se lancent dans un concours au « plus pur ». Qui théorisent le siphonage d’un parti pour en construire un autre. Qui décrètent le combat contre un Parti comme un totem salvateur de leurs propres incapacités à produire du renouveau. Je le dis avec simplicité : tout cela n’améliorera pas la place de la Gauche dans ce pays. Tout cela n’augmentera pas les voix en nombre dans un scrutin. Si la décomposition du PS avait pu créer une recomposition de la Gauche nous l’aurions constaté. C’est toute la Gauche qui se décompose et le FN qui se recompose.

La question de savoir quelle boutique survivra ou raflera la mise n’est tellement pas à la hauteur des enjeux.

Enfin, contrairement à ce dont on nous rabat les oreilles, il n’y a pas de radicalisation à gauche.
Il n’y a pas plus de radicalité à gauche qu’il y a quelques années. C’est le déplacement de ceux qui prétendaient porter des idées de gauche qui a rendu radicales les simples idées de gauche.
Il y a juste une attente de politique de gauche. Pas une politique « très » à gauche. Une politique juste de gauche. Voire même une politique de gauche, juste.
Nous ne devons pas avoir d’aversion pour le reste de la gauche. Nous devrions juste entendre à défaut d’écouter.

 

L’épuisement démocratique.

Mais il en va des espoirs déçus comme des désespoirs vécus : il produisent la perte de confiance, la défiance, le repli, le rejet.

Les stratégies en politique épuisent la démocratie. Les citoyens comprendront toujours mieux les alliances à la triangulation. Le billard à 10 bandes invalide le raisonnement. Épuise la militance.
Chaque renoncement au dialogue épuise la démocratie. Chaque manquement à une parole donnée affaiblit la démocratie. Comment reprocher à des citoyens de déserter les urnes lorsqu’on renie leur expression, comme ce fut le cas pour le Traité Constitutionnel ? Comment reprocher à des citoyens de ne plus venir désigner leurs représentants lorsqu’on assène à ses propres députés qui exercent leur esprit critique un 49.3 dévastateur ? Comment défendre la démocratie sociale quand on maltraite les syndicats ? En tout cas les syndicats de salariés.
Enfin, quelle ironie de l’histoire d’appeler à un référendum pour obtenir une majorité, quand on sait ce que la majorité a fait du référendum voté par les Français.

 

Cesser de fabriquer le vote FN

Le Parti Socialiste ne peut obtenir un vote sur la base de la peur de l’autre – quand bien même l’autre serait le FN – et combattre dans le même temps ce FN qui a fait de la peur de l’autre son fonds de commerce.

On ne peut pas utiliser ce qu’il y a de meilleur dans l’esprit citoyen – se regrouper pour éviter le pire – notamment en faisant un front républicain, et l’instrumentaliser pour tordre le bras et réduire à la part congrue le fonctionnement démocratique. Agiter le FN comme seul argument démontre la faiblesse de ce que l’on est devenu capable de proposer aux français.
Plus généralement la méthode qui consiste à dire qu’avec les autres ce serait pire – quand bien même cela est clairement avéré – n’a jamais été un argument de nature à fonder un projet collectif. C’est une détérioration de la démocratie, un anéantissement de ses fondations.
C’est l’absence de projet fédérateur, mobilisateur qui produit le vote FN. C’est la perte de confiance qui produit le recroquevillement.
Le rabougrissement des droits, de l’emploi, des revenus, de l’avenir ne peut constituer un horizon mobilisateur. 

 

Celles et ceux qui ne baissent pas les bras

Je fais partie de celles et ceux qui ne baissent pas les bras. Je continue de penser que nous avons notre rôle de lanceurs d’alertes. C’est même la dernière chose que nous tentons de faire dans notre Parti au quotidien, dans chacune des listes, à chaque échéance. À mi-chemin entre l’idiot utile, l’alibi gênant et le sparadrap qui colle et qu’on caricature en oiseau de mauvaise augure.

Nous sommes la mauvaise conscience de notre Parti. Celle qui rappelle ce qu’on a dit, celle qui montre ce qu’on a écrit. Celle à qui on dit: « partez si ça vous déplait ». Ce Parti, tel qu’il est devenu, « vous l’aimez ou vous le quittez ». Une seule personne se réclamant de la Gauche n’a-t-elle jamais accepté de telles formules?

 

Et pourtant « j’aime le socialisme »

Je n’aime pas le chemin que prend mon Parti, mais j’aime le socialisme. Il y a même peut-être un lien de cause à effet.
Je croise et je vois tous ces militants. J’apprécie chacune de ces personnes dont on ne peut pas mettre en doute une forme de sincérité. Et qui subissent jour à jour, élection après élection, des désillusions mortifères. Les plus épuisées s’en vont c’est vrai. Sans aller nulle part c’est aussi un fait. Parfois même en rejoignant le FN. Ça arrive.
Mais je continue de penser que les bataillons valent toujours mieux que les chefaillons qui font d’eux de la chair à canons. Dire cela ne les exonèrent individuellement ni de leur responsabilité ni de leur capacité à changer le réel. Voire leur devoir d’esprit critique.

Et c’est parce que je souhaite éviter que ce Parti ne disparaisse que j’affirme que sans rassemblement de la Gauche, ce sera la fin. Mais un rassemblement sincère, équitable, respectueux. Pas une injonction à l’unité.

J’alerte même sur le fait que la cartel des logos ne fait pas un résultat dans les urnes. Les alliances de façade ne garantissent plus les reports de voix. Nos petites trahisons ont émancipé les troupes les plus obéissantes.

 

Retisser les liens avec toute la gauche

Retisser les liens avec toute la gauche… sans se limiter à celles et ceux qui ont quitté nos alliés historiques. Est-ce que c’est encore possible sans inflexion politique ? Pas sûr. Est-ce que c’est pour autant nécessaire ? Clairement.
Et ne jamais se tromper d’ennemis. Nous n’avons pas d’adversaire à gauche, au pire des concurrents. N’en faisons pas des adversaires.
Il n’est jamais trop tard pour dialoguer ! Car quand on fait de la politique, on doit faire des additions pas des soustractions !

Et personne n’a intérêt à voir les forces réactionnaires arriver au pouvoir.
Que ce soit la droite extrême que l’extrême-droite, ils n’ont rien de mieux à proposer à celles et ceux que nous prétendons défendre. D’autant qu’avec les vannes ouvertes par ce gouvernement, la droite sera mécaniquement décomplexée.
Cela n’en fait pas un argument pour un vote utile, mais cela rend utile de se parler avant tout vote !
La responsabilité n’est jamais de voter par force mais de voter par conviction. On ne produit jamais de l’adhésion en tordant le bras mais en prenant le bras.

 

Reposer un horizon commun et partagé

C’est donc bien autour de la réactivation d’un désir et d’une fierté d’être de Gauche que nous pourrons à nouveau faire vivre l’espoir d’une République sociale.

La première condition est sans nul doute de nous émanciper. Nous émanciper de l’idée qu’une seule politique est possible, qu’il n’y a pas d’alternative, releguant les nôtres à scander un slogan de Margaret Tatcher. En effet si ce que l’on peut faire dedans n’est pas différent – hormis sur les dosages – ce ne pourra etre que sur notre rapport à ce qui nous est étranger que les différences se restructureront. C’est toute la thèse du FN.
Souhaitons-nous en devenir les chantres?
Cette première condition revient à se demander quelles sont les conditions pour que d’autres politiques soient possibles…
Cela doit nous amener à nous interroger sur la question de notre rapport à la mondialisation, à l’Europe, à l’Euro et à l’horizon que nous souhaitons porter pour les générations futures.
Le moins-disant pour nous aligner et être « compétitifs » dans la grande course à la misère sociale ?
C’est pourtant le propre de l’humanité que de toujours tendre à sortir progressivement de toutes les formes d’asservissement. C’est l’essence même du principe de « civilisation ». Ce fut la justification de tous les combats de notre Histoire. Ce fut l’honneur des socialistes que d’y contribuer.

 

La refondation et la recomposition de la Gauche

C’est une urgence. On ne pourra pas en faire l’économie.
Ce n’est pas pour autant une justification pour laisser les Régions à la droite. Ce n’est pas une raison pour laisser le Front National passer. Ainsi à chacun de faire son bout de chemin.
C’est pourquoi je plaide pour un dialogue avec celles et ceux qui ont cru dans la Gauche. Je lance un appel pour écouter celles et ceux qui croient encore dans la Gauche.
J’en appelle au sursaut, au dialogue, au « faire ensemble ».
Parce que les idées séparent parfois mais les rêves rassemblent.
Et « si on marche sur des chemins différents, on tape sur le même clou »
– Olivier Besancenot 😉
mediocrite

3 thoughts on “Plaidoyer pour un dialogue avec celles et ceux qui ont cru dans la Gauche Appel à écouter celles et ceux qui croient encore dans la Gauche”
  1. Très bon plaidoyer, mais qui arrive un peu tard il me semble. Ce n’est pas à la veille d’un scrutin si important soit-il qu’il faut appeler au rassemblement de tous ceux qui croient sincèrement qu’il est possible de changer carrément de braquet. Les politiques menées depuis maintenant plus de 10 ans, en fait déjà engagées dans les années 80, ont fini par dégouter les français , et la trahison de François Hollande a été le point d’orgue.
    A présent c’est la nature qui va peut être mettre tout le monde d’accord, elle n’est ni de droite ni de gauche, mais tout le monde a besoin qu’elle soit en bonne santé. pour la survie même de l’humanité, et il faut pour cela un programme de gouvernement complètement différent, qui pose en condition première et intangible, que l’important sur terre, c’est la vie, celle des humains et de toute la biodiversité qui lui permet d’exister.Repenser les rapports entre humains, les rapports au trav

  2. ( désolée la souris est trop agitée) repenser les rapports au travail, à la nature, c’est certain que ce n’est pas le FN, ni la droite ni ce socialisme droitier que nous subissons qui le ferons. Tous sont obnubilés par le progrès, le profit, la domination des forts sur les faibles, et sur la nature, tous nous mènent droit dans le mur et eux avec;.L’heure est à la désespérance, même les écologiste ont leurs dissidents, pourtant ce sont eux qui prônent les vrais valeurs capables de nous sortir de ce mauvais pas, seulement ça dérange trop de monde, on évite de leur donner la parole, de donner à connâitre au peuple les idées qu’ils défendent et leur programme de solutions viables et pérennes qui déjà s’expérimentent et prennent corps dans divers coins de l’hexagone. Le changement est en marche, le vrai changement, il a besoin du verdict des urnes pour se concrétiser.

  3. Chère Dany. Tu sais bien que la question du rassemblement de la Gauche – de toute la Gauche – est un des constantes de mon engagement. Tu peux remonter mes posts sur les réseaux sociaux, mes articles sur ce blog et l’ensemble des mes actions politiques : ma démarche personnelle est construite autour de ce principe. Et pas que pour cette échéance et pas que dans ce délai contraint. C’est même pour cette raison que j’ai dénoncé l’instrumentalisation du référendum pour l’unité lancé par Cambadélis.
    Mais c’est aussi le cas – localement – et tu le sais aussi, puisque dès après les élections municipales, c’est devenu la position officielle de la section locale de Saint-Jean-d’Illac, qui a même adopté une motion en ce sens. Et depuis c’est le sens de l’ensemble de nos démarches.
    Au-delà, je pense que tant que nous ne trouverons pas le moyen de « reconnecter » le lien de confiance avec les citoyens, la démocratie restera en panne. Et mon parti y a une responsabilité très importante. Et je le déplore. Mais je bosse pour que le changement… ce soit pour dans pas longtemps !

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