Un engagement en politique a toujours été une chose faite d’ambiguïtés. On peut faire preuve d’une clarté absolue en matière de valeurs et de convictions, il n’empêche qu’il existe bien des points qui entretiennent le questionnement permanent :
- défendre ses valeurs suppose de les mettre à l’épreuve du réel et donc à l’exercice des responsabilités. Comme on n’a jamais raison tout seul cela suppose la construction de majorités. Ces majorités supposent des concessions réciproques. Qui affaiblissent parfois chacune des positions. La limite est- par définition – que le compromis ne tourne pas à la compromission.
- défendre ses valeurs n’a de sens que si elles traduisent un cheminement collectif. Ainsi la personne se doit d’être au service d’une démarche collective. Cela implique une forme de mise à disposition de sa personne au bénéfice de la démarche collective. Les dérives vont de l’instrumentalisation du collectif au bénéfice d’une démarche individuelle jusqu’au travestissement de ses valeurs au prétexte d’une dérive du collectif. C’est dans cet univers que se joue la question de la cohérence personnelle.
En de multiples occasions, j’ai dû – à titre personnel – interroger cet équilibre.
- L’engagement au sein d’un parti produit ce type d’interrogations permanentes. Y demeurer tout autant. Si certain-e-s voient dans leur implication militante un moyen de se forger des certitudes, pour ma part, il s’agit d’un puits intarissable de questionnements. Au point de se sentir parfois au fond… du puits…
- L’éternelle question de l’endroit où on est le plus utile… Résister au sein d’un parti à la dérive relève-t-il d’une forme d’héroïsme suicidaire ou d’un cautionnement qui fait de sa petite personne au mieux l’idiot utile, parfois le collabo aux yeux des plus radicaux.
Parce qu’il n’y a pas d’évidence, juste des choix.
Une évidence s’impose à nous. Alors qu’un choix impose d’en assumer les raisons et les conséquences.
Des choix, j’en ai fait. Cela m’a amené à refuser de poursuivre un chemin lorsque je pensais qu’il devenait contradictoire à l’intérêt collectif ET mon intime conviction. Les deux indicateurs qui forgent mes choix. Et qui fondent la différence entre « aller à la soupe » et demeurer cohérent.
J’ai fait le choix d’accepter de représenter mon courant politique – Maintenant la Gauche – pour les prochaines échéances régionales. Et j’ai donc assumé de faire acte de candidature pour que les sujets et les valeurs de notre courant d’idées puissent être représentées. Mais aussi, et parce que ce que je suis ne se limite pas à l’espace politique, représenter des champs et des gens souvent invisibles et peu audibles.
Cela ne fait pas de ma petite personne quelqu’un qui peut, mais quelqu’un qui doit.
J’ai fait acte de candidature. Au regard de mes convictions, cette candidature aurait pu avoir du sens sur plusieurs listes. Au moins deux. Plusieurs m’ont posé la question. Et ce questionnement m’honore. Il signifie pour moi que la ligne que je défends apparait plutôt clairement.
Ce questionnement crée aussi pour moi des obligations. Au moins celle de faire face à mes propres contradictions.
Ma position, mon intime conviction, s’est fondée sur un point essentiel: ce que je suis n’existe que par le collectif – Maintenant la Gauche – qui porte cette démarche. Le choix – au moment de cette décision – de ce collectif, est de maintenir son effort pour que surnagent les valeurs socialistes telles que nous les envisageons d’une part. Et se battre pour que des points d’ancrage visant au rassemblement de toute la gauche subsistent (les deux points étant d’ailleurs intimement liés).
Pour autant, et en écho à de nombreuses discussions avec mes alter-ego alternatifs, je n’entends pas m’abriter derrière ce « mandat » du collectif. Il est parfois de la responsabilité d’un responsable que d’indiquer, de proposer au collectif un autre chemin. J’entends qu’à ce compte-là, jamais la recomposition de la gauche ne se fera. C’est juste.
Il s’agit donc aussi d’un choix que j’assume personnellement.
Mais je pense aussi que la gauche ne grandit jamais lorsqu’elle se siphone en son sein. Son objectif devrait être d’élargir sa base plutôt que de s’auto-detruire.
Même s’il faut bien reconnaitre, qu’à ce jour son auto-destruction est plus le fait de la dérive libérable manifestement délibérée de quelques-uns.
Mais mon hypothèse est qu’on ne corrige pas le cap d’un bateau à la dérive en le conspuant depuis la plage. Pas plus que le fait de saborder un bateau ne résoud le problème de sa dérive. Certes il ne dérivera plus. Mais on postule que chaque passager rejoindra le rivage par ses propres moyens. Et aujourd’hui beaucoup se noient lorsqu’ils sautent du bateau, et ceux qui se présentent comme les sauveteurs ont souvent le pavillon FN. Et je ne peux m’y résoudre.
Pour l’heure je n’ai pas encore capitulé. Pas encore renoncé. L’esprit de résistant têtu que je suis poursuit le travail en territoire hostile. Londres n’a jamais été un horizon indépassable. Et c’est toujours l’Histoire qui arbitre ce qui aura été finalement utile.
C’est aussi tout cela que j’ai choisi d’aller porter au sein de la liste portée par Alain Rousset.
Je ne partage pas tous ses choix. Nous le savons respectivement et respectueusement.
Mais personne ne peut remettre en cause l’engagement de la personne.
Personne ne peut remettre en cause que le bilan, le sien et celui des hommes et des femmes qui l’entourent, personne ne peut remettre en cause que ce bilan est réellement et raisonnablement positif en terme de progrès économique et social pour notre Région.
Ce sont ces deux faits qui fondent la nécessité et la possibilité pour notre courant d’idées de faire entendre sa petite musique. Avec lucidité. Avec exigence. Avec espoir.
Pour autant je revendique sans faux semblants mon réel désir d’exercer un tel mandat de Conseiller Régional. Parce que je crois à l’importance d’agir. D’essayer tout au moins. Sans quoi tout cela n’aurait pas de sens et ne serait que de la posture. Et je compte tout au long des prochaines semaines glaner et semer idées, propositions, attentes et exigences.
J’affirme enfin que, pour ma part, je n’ai pas d’adversaire à gauche. Au pire des concurrents. En réalité, bien des ami-e-s. Dans l’intérêt de la gauche, dans l’intérêt de notre belle grande Région, je leur souhaite autant de succès que d’esprit clair. Pour défendre avec la conviction que je leur reconnais leurs propositions démocratiques. Je les souhaite forts pour qu’à la fin, le rassemblement de toute la gauche que j’appelle de mes vœux soit équilibré, digne, solidaire et surtout victorieux.
Pour ma part, à la place qui est la mienne, dans le contexte qui est le nôtre, je le ferai avec toute l’énergie, la sincérité et la loyauté qui caractérisent mes engagements.
Avec, chevillé au corps, l’idée d’être à la hauteur de celles et ceux avec qui un lien de confiance s’est construit au fil des ans et des batailles.
Parce que notre Grande Région le mérite.
