On n’est jamais trop ambitieux sur le plan de la culture et de l’éducation pour son territoire. Certes.La culture et l’éducation c’est le temps long. L’évènementiel c’est bien souvent le temps court, l’immédiat, la consommation culturelle.Certes l’évènementiel peut constituer un moyen d’accès de publics éloignés des pratiques culturelles. À la condition que l’évènementiel soit l’occasion de moment conviviaux, partagés, populaires, et surtout qu’il soit l’occasion pour des publics qui ne se seraient pas « hasardés » à rendre possible ces rencontres. Lorsqu’on observe la fermeture en cours du site des Badines, peu de chance que la rencontre puisse se faire par hasard…
C’est l’idée de bien des festivals centrés sur des propositions artistiques diversifiés mais surtout ouvertes.
Des moments où il ne s’agit pas forcément de faire « masse » mais de faire « sens ».
Qu’on se comprenne bien: le problème n’est pas Pascal Obispo en tant que proposition artistique. Le problème est bien la recherche effrénée d’une tête d’affiche capable de faire « masse ». Cette « culture de masse » par opposition aux cultures populaires a plusieurs conséquences:
Des cachets artistiques au format « show-business »
Déjà en 2006, dans les Landes ce fut le dérapage à l’occasion de la venue de Johnny Halliday dans le Seignanx. Et plus récemment en 2016 rebelote à Pamiers.
Un dérapage évident des dépenses de logistique
Résumons-nous: toute l’année, Hervé Seyve et son équipe passent leur temps à décrire par le menu la saturation des routes qui traversent Saint-Jean-d’Illac. Tel un bel exercice de masochisme, quoi de mieux que d’organiser un évènement qui suppose … d’organiser l’arrivée massive (en tout cas espérée) de milliers de véhicules… allez comprendre. Mais attendez on peut faire mieux: l’an dernier Illac En Scène proposait un parking débouchant sur deux départementales pour faciliter l’évacuation des véhicules, ce qui était plutôt malin… Cette année on inverse: le parking atterrit sur le terrain stabilisé Omar Sahnoun et le lieu de spectacle sur un terrain en friche ! Le parking, lui, débouche sur des zones pavillonnaires.
À prendre des grandes têtes d’affiches, on change les exigences. C’est logique.
Qu’à cela ne tienne, on créera directement une nouvelle zone pour le spectacle. Et on bloquera à l’occasion les Badines pour une semaine entière, pour en faire des … loges.
En avant pour les travaux de terrassement dans l’espace vert des Badines. Une paille. Une paye.Pour donner un ordre de grandeur: l’ensemble de la tournée de Pascal Obispo se fait dans des lieux « en dur » (cf http://www.infoconcert.com/artiste/pascal-obispo-1429/concerts.html) et pour cause… un orchestre symphonique et toute la logistique que cela suppose nécessitent de sacrées infrastructures…
Le Maire le sait puisqu’il annonce déjà dans les colonnes de Sud-Ouest que « la somme sera amortie sur les prochaines éditions »… alors même que quelques lignes plus haut, il explique que c’est à la demande de la production que les sites ont été intervertis…
Mais la logistique, c’est aussi l’arrivée massive des semi-remorques pour ledit concert. Songez plutôt : plus de 50 musiciens sur scène, au moins autant de techniciens, le tout acheminé en grand partie de Paris et des environs…
Un besoin de « bourrer » pour limiter le risque financier
Alors on offre des places à tour de bras. Se disant que pour une invitation distribuée, il y aura bien une ou deux places payantes…
Alors on placarde d’affiches toute la ville et les alentours.
Déjà l’an dernier, la Ville avait manqué l’objectif en terme de jauge pour atteindre l’équilibre. Que l’on se comprenne bien: je ne dis pas que la culture doit nécessairement être un poste de dépenses à l’équilibre. Il s’agit d’un investissement sans nul doute. Tout comme l’éducation.
Mais il n’en va pas de même du divertissement qui s’appuie sur une logique de show-business. Saint-Jean-d’Illac peut faire preuve d’ambition sans tomber dans la démesure. Pour s’en rendre compte, il suffit de regarder la taille des villes qui accueillent Pascal Obispo: aucune commune mesure avec Saint-Jean-d’Illac. D’autant que le plus souvent ce n’est pas la Ville qui assume le risque financier mais une structure d’organisation.
- le coût du « plateau » standard proposé par Arachnée Production: 140 000 euros
- l’implantation de l’infrastructure du festival: 42 000 €
- les coûts exceptionnels de mise en conformité du site: 42 000 €
- les coûts liés à la sécurité: 9 000 €
- les coûts de communication: 16 000 €
- les coûts d’intervention de la structure de production de l’évènementiel, Music Action: 17 000 euros
- Prise en charge du déficit billetterie: 20 000 €
Ainsi on arrive à la coquette somme prévisionnelle d’un coût direct pour la ville de 286 000 euros !
Pour donner un ordre de grandeur, il s’agit peu ou prou du montant des récentes augmentations des TAPS, restauration scolaire et CLSH !
Imaginez-donc ! voici donc le maire d’une Ville qui fait appel au bénévolat pour assurer la protection de nos enfants à la sortie de l’école au quotidien, faute de moyens, au lieu de créer des emplois durables, mais qui se paye une soirée strass et paillettes au coeur du mois d’août !
Enfin, reprenons l’argument du Michel Gien lors du Conseil Municipal du 29 juin 2016: « il doit être complété par un rééquilibrage des financements entre les usagers des services et les contribuables »… à ce compte-là, chaque place du concert devrait être à … hum… 75 €….
Mais j’attends avec impatience la contradiction sur ces chiffres.. pour l’heure rien n’est partagé quant aux coûts « officiels » de l’opération.
L’opacité dans le montage financier
La Ville se présente comme l’organisatrice, mais il faut regarder dans le détail:
- les chèques de paiement des places sont bien à faire à l’ordre de Music Action.
- la Ville paye donc en direct les dépenses mais n’encaisse pas les recettes (elle aurait très bien pu utiliser sa régie « culture » comme tout au long de l’année pourtant).
Ne cherchez pas une seule délibération municipale présentant le coût, voire même la convention qui lie la collectivité à Music Action ou Arachnée Production, voire même les marchés publics liés à tout ou partie de cette opération: Illac en Scène est placardée sur les murs de la Ville, mais invisible dans les comptes de la ville. Ce n’est plus un maire que nous avons c’est David Copperfield ! Même Sud-Ouest a droit à plus d’informations que les citoyens de Saint-Jean-d’Illac.
Des risques supplémentaires significatifs sur le plan de la sécurité
L’emplacement:
Quel pire endroit que le croisement de deux départementales pour organiser un tel concert ? En cas de besoin d’une évacuation rapide, vous débouchez nécessairement sur une voie de grande circulation. Sans compter les risques de forte concentration de badauds sans billet aux abords … et donc sur les voies départementales.
Pour ce qui concerne les « nuisances sonores », l’an dernier, elles étaient partagées entre le cimetière et l’église, les Résiniers étant plutôt protégés par le bois qui sépare l’espace Omar Shanoun et le lotissement. Enfin, le son étant projeté en direction de l’église, les lotissements situés à l’arrière ne subissait qu’une faible intensité sonore.
Cette année, Illac en Scène, avec ses loges aux Badines, projetera le son vers les lotissements du Bois de la Lande… bon courage à celles et ceux qui n’aiment pas les choix musicaux du soir ! 😉
Les parkings, l’accès aux Badines:
Deux cheminements sont vraisemblables après avoir garé son véhicule:
- soit en longeant la RD211 par la piste cyclable…
- soit en longeant la RD106, sachant que l’un des franchissements du Pont est fermé par arrêté, obligeant à travers la départementale en dehors des passages piétons…
Dans les deux cas, le franchissement de deux axes majeurs un samedi, lors des grands moments de circulation vers les plages.
Il en est de même pour rejoindre son véhicule, à ceci près que le chemin 1 ne fait pas l’objet d’éclairage, une simple barrière de bois séparant la départementale et de la piste cyclable…
Ne parlons pas des issues de secours indispensables à l’évacuation d’une jauge prévisionnelle de 6000 personnes… à moins de couper les deux départementales, il n’y a pas de réelles solutions de stockage du public.
Est-ce le bon moment pour organiser un tel évènement et la mise en sécurité de 6000 personnes au moment où chaque évènement est annulé l’un après l’autre ? Même si j’entends qu’il ne faut en aucun cas céder à la moindre psychose, il n’empêche que la décision puis l’annonce de cet évènement ont eu lieu en plein état d’urgence. Quel est le sens de vouloir mettre de la « vidéoprotection » partout lorsque les principes élémentaires de mise en sécurité de ses concitoyens ne sont manifestement pas au coeur des prises de décision. Difficile à comprendre.
Enfin la mise en sécurité des artistes: en plus de celle des « têtes d’affiches », on trouve au sein de l’orchestre symphonique pas moins qu’une femme de Premier Ministre… inutile de préciser que la protection des personnes ne peut laisser à désirer !
Et on ne parle parle pas de l’aléa météorologique: on sait le miracle auquel nous avons eu droit l’an dernier !
Pour conclure
Pas mauvais coucheur, je suis allé l’année dernière à Illac En Scène. J’avais même indiqué que je trouvais qu’il s’agissait d’une belle initiative. C’est pourquoi, je n’ai pas d’état d’âme à dénoncer ici la coté déraisonnable de l’opération de cette année.
Je défends le principe des évènements festifs. Mais je déplore la folie des grandeurs qui s’est emparée de notre modeste ville…
Il vaut mieux la culture pour tous les illacais toute l’année, à commencer par les écoles et la jeunesse notamment, plutôt que les paillettes pour quelques happy few métropolitains sur la fin de l’été. Il vaut mieux de la médiation culturelle, de l’ouverture sur le monde toute l’année, qu’un numéro de claquettes permettant au Maire de faire la une de la presse locale.
Au final, pour les illacais: les Temps d’Activités Périscolaires deviennent payant, les services de restauration scolaire augmentent, les services aux populations s’éloignent, Le Las reste désespérément abandonné à son sort en matière d’équipements et de services au moment même où on l’urbanise toujours plus… et pendant ce temps c’est open bar pour une seule soirée.
Les faits sont têtus. Voilà la différence entre le développement de son territoire, durablement, sobrement et des ambitions déplacées pour faire la une des journaux. Qu’importe! Les illacais compenseront les finances manquantes.
Mais quand la grenouille veut se faire plus grosse que le boeuf…