Telle une ritournelle, voici donc la nouvelle grande histoire d’amour de Monsieur le Maire: après l’usine à l’autre bout de la ville converti en lieu à tout faire pour 5,5 millions d’euros, après les festivités estivales aux factures surdimensionnées pour notre ville, lui imposant de tenter de vendre les espaces verts communaux pour boucler son budget, voici qu’on nous annonce à grand renfort d’annonces, de vidéos et de coupures de presse, l’arrivée prochaine de Elisa Aerospace, une école d’ingénieur, sur Saint-Jean-d’Illac.
Quand on aime, on ne compte pas… c’est bien connu. Alors on reprend les mêmes et on recommence: même protagoniste, même scénario, même difficulté à faire la différence entre ambition légitime pour un territoire et folie des grandeurs déraisonnable. Les ingrédients sont eux-aussi les mêmes : étrange préparation, utilisation des moyens communaux, obsession de la comm’ et puis … l’opacité. Comme toujours.
Regardons donc de près tout cela.
L’étrange idée d’un campus étudiant … dans une ville sans lycée.
Quand on regarde dans la littérature, pour quelles raisons les villes font-elles le choix de développer un campus ?
On trouve en général 3 raisons principales:
- lutter contre le départ des jeunes générations après le lycée afin de conserver une pyramide des âges « acceptable » dans la commune en luttant ainsi contre le vieillissement de la population.
- augmenter l’attractivité de sa commune pour favoriser les installations de jeunes ménages sur le territoire.
- favoriser le développement économique en proposant une main-d’oeuvre qualifiée en proximité.
Quelles sont les conditions à réunir pour y parvenir ?
- Être capable de proposer du foncier en volume (si on veut faire un campus et pas seulement l’installation d’une école…)
- Être en capacité des proposer des installations sportives, culturelles…
- Disposer d’infrastructures de transports en commun et de plus en plus des capacités de stationnement importantes et donc de circulation fluide.
- Disposer de logements en nombre suffisant.
- Disposer de solution de restaurations, petit commerce d’alimentation etc…
- Disposer d’une offre d’emploi (dit jobs étudiants) permettant d’améliorer le reste-à-vivre.
Un élément indispensable à ces 5 points: être capable de fournir ces services aux tarifs les plus bas. En effet les étudiants sont confrontés pour 54% d’entre eux à des difficultés financières importantes et se situent dans les populations dont le reste à vivre est le plus faible. Ce qui suppose un point 6 : être capable de fournir des petits boulots.
Bref, voilà qui tombe bien !
- Saint-Jean-d’Illac est un des territoires de la zone métropolitaine qui a le plus faible taux de logements de type studio à faible coût.
- Saint-Jean-d’Illac est une des villes qui a le plus de choses à faire pour ses transports en commun. Pas même un navette régulière capable de rabattre sur la gare de Cestas-Gazinet. Pas même un moyen de transport en commun pour relier l’Uzzine au centre-ville ou à l’hypermarché le plus proche (on a pas dit le meilleur marché…)
- Saint-Jean-d’Illac a déjà du mal à fournir les infrastructures sportives et culturelles à ses propres propulations.
- Saint-Jean-d’Illac ne dispose pas d’offre de restauration capable de couvrir les besoins des étudiants. Pas plus qu’elle ne dispose d’épicerie solidaire.
- Saint-Jean-d’Illac n’a pas d’offre de jobs étudiants. Autrement dit l’étudiant qui veut travailler doit se déplacer. Donc disposer d’une voiture. Et l’engrenage est parti…
Alors pourquoi donc vouloir un campus ?
- Pour éviter le départ des jeunes générations ? Que nenni, ils partent déjà pour le lycée.
- Pour augmenter l’attractivité de la ville ? Mr le Maire prétend vouloir limiter l’arrivée de nouveaux habitants.
- Pour favoriser l’installation de jeunes ménages ? Nous ne disposons pas du parc immobilier pour cela.
- Pour favoriser le développement économique ? Depuis le début du mandat, le Maire a clairement fait le choix réaffirmé à de multiples reprises du traitement des déchets et de la logistique…
Et puis… accessoirement… ce campus se caractérise pour le moment par l’absence de salles de classes, de réfectoire, etc… Qu’importe !
Avoir un campus, c’est comme avoir un conservatoire de l’aéronautique : ça en jette !
Songez plutôt : officiellement, la Ville n’a plus les moyens de financer les bus scolaires pour amener les enfants des écoles élémentaires faire du sport à l’Uzzine, n’a pas les moyens d’agrandir l’ALSH pour offrir des solutions d’accueil et des activités de découverte, mais elle a les moyens de faire un apport de 100 000 euros en valorisation à une école d’ingénieur qui ne semble pourtant pas manquer de ressources… Et changeons, tant que nous y sommes, le PLU (délibération conseil municipal) … et puis finalement non… annulons la délibération. On va bidouiller autrement. Bref ça sent le truc bien préparé…
Mais c’est que l’intérêt général se mesure désormais à Saint-Jean-d’Illac en nombre de coupures de presse et de passages sur TV7. Voilà qui est devenu l’unique thermomètre de la pertinence d’un projet. Voyons le bon coté … la blague ne coûte qu’un tiers d’un Illac en Scène…
Mais regardons tout de même d’un peu plus près cette école…
Elisa, une vraie fille de l’air…
Manifestement l’école s’envole à intervalles réguliers. En quelques années, elle a régulièrement changé de lieu d’implantation. Voyez plutôt (source Journal Officiel) :
Tout ceci serait sans grande importance si, en y regardant de près, les élus locaux des territoires où elle est passée, ne semblaient pas rebiffer les uns après les autres après avoir clairement déchanté… et même la presse (la fameuse presse) s’en est fait le relais. Voici par exemple le courrier de la Mairie de Saint-Quentin après l’annonce du départ de la fille de l’air.
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Voir également:
- Saint-Quentin en guerre contre l’école aérospatiale qui veut partir
- L’école aérospatiale à Saint-Quentin …la fin d’un rêve ?
Et on y apprend que déjà l’école, emprunte des salles, sollicite de nombreuses subventions, puis s’en va…
On ne dispose pas de tous les éléments, certes, mais on a quelques indices pour faire preuve de prudence … non ?
Le statut ne fait pas la vertu
Lancer des recherches sur ce qu’est Elisa Aerospace n’est pas une sinécure…
Officiellement c’est une association… son numéro au RNA est le W271000333 d’après le Journal Officiel.
Il se trouve que depuis 2014, la publication des comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes est obligatoire pour les associations et les fondations lorsque le montant total des dons et/ou des subventions au cours de l’exercice comptable atteint 153 000 €. Or si l’on en croit les éléments fournit ci-dessus, cette association n’a pas manqué de percevoir subventions et subsides publics. Et pourtant…
Les peines prévues à l’article L. 242-8 sont applicables aux dirigeants des associations mentionnées au premier alinéa du présent article qui n’ont pas, chaque année, établi un bilan, un compte de résultat et une annexe.
« Toute association ayant reçu annuellement des autorités administratives, au sens de l’article 1er de la loi du 12 avril 2000, ou des établissements publics à caractère industriel et commercial une ou plusieurs subventions en numéraire dont le montant global dépasse un seuil fixé par décret, doit établir des comptes annuels comprenant un bilan, un compte de résultat et une annexe dont les modalités d’établissement sont fixées par décret. Ces associations doivent assurer, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat, la publicité de leurs comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes.
Cette sanction est financière « Est puni d’une amende de 9000 euros le fait, pour le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d’une société anonyme, de ne pas, pour chaque exercice, dresser l’inventaire et établir des comptes annuels et un rapport de gestion. »
Le chemin le plus court est alors d’aller vérifier … Journal Officiel… Compte des Associations… et rien… (vous pouvez essayer, suivez ce lien)
Et vous découvrirez… ben rien… Aucun compte depuis toutes ces années. Apparemment le statut ne fait pas la vertu…
Et pourtant à quelques kilomètres à vol d’oiseau, se trouve déjà un campus…
Public. Doté. Financé. Équipé. Sans bidouille. Sans embrouille.
Où les étudiants peuvent se loger. Disposer d’une bourse. Du CROUS et de ses services de restauration, de santé, d’action culturelle. De tous les transports en communs.
La folie des grandeurs on vous dit.
Et si on commençait par équiper correctement nos écoles ? Donner des moyens aux enseignants. Et s’assurer que nos enfants aient accès des activités, des accueils et des équipements… basiquement…
Ça fera moins de coupures dans les journaux, mais ça permettra de comprendre pourquoi on paye nos impôts. À moins que…